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[Exclusif] Le montage du CNRS pour attirer des « stars internationales »

Mis à jour le 4 juin 2020

Pour attirer des stars internationales, la direction du CNRS a décidé de s’arranger avec les recrutements des directeur·trice·s de recherche du centre.

Le PDG du CNRS Antoine Petit, on le sait, veut faire entrer son organisme dans le star-système de la recherche en recrutant des chercheur·euse·s connu·e·s à l’international mais une barrière reste, pour l’instant et au moins jusqu’à la mise en place de la loi pluriannuelle de la recherche, en travers de sa route.

Photo d’illustration : « Stars » par natlas, en licence Creative Commons by-nc-nd

Un recrutement externe actuel à bas salaire

La plupart des recrutements externes du centre se fait via le concours de Chargé·e·s de recherche, même si ce recrutement est en perpétuelle baisse. Or, le salaire d’un·e chargé·e de recherche au CNRS en début de carrière est de 2 300 € brut mensuel selon l’organisme lui-même, trop peu pour attirer une star internationale de la recherche.

Selon plusieurs sources internes au CNRS, la direction de l’organisme aurait trouvé la solution dans le recrutement externe de Directeur·trice·s de recherche (DR). Alors que ce corps est, la plupart du temps, utilisé pour faire évoluer les carrières en interne, elle aurait décidé de s’en servir pour proposer 10 postes de fonctionnaires à salaires un peu plus élevés à des stars de la recherche internationale. Selon le CNRS, « le salaire brut mensuel des directeurs de recherche est compris entre 3 290 € et 6 450 €« . La direction espérerait, en tout cas, faire revenir des chercheur·euse·s français·es qui sont parti·e·s à l’étranger.

Mais pour s’assurer que ces postes reviennent bien aux stars ciblées, le centre a affecté, dans un arrêté publié au JO du 26 novembre, ces postes à la Commission interdisciplinaire n° 50 de « Gestion de la recherche ». Cette commission plutôt administrative qui bénéficie habituellement de 2 ou 3 postes de DR ces dernières années se voit d’un coup attribuer 12 postes de DR.

Deux tours de passe-passe possibles

Instructions auraient été passées aux sections de classer des stars en liste complémentaire. La direction aurait ensuite deux possibilités pour donner ces postes aux stars ciblées.

L̶a̶ ̶p̶r̶e̶m̶i̶è̶r̶e̶ ̶s̶e̶r̶a̶i̶t̶ ̶d̶’̶a̶f̶f̶e̶c̶t̶e̶r̶ ̶l̶e̶s̶ ̶s̶t̶a̶r̶s̶ ̶d̶i̶r̶e̶c̶t̶e̶m̶e̶n̶t̶ ̶à̶ ̶l̶a̶ ̶c̶o̶m̶m̶i̶s̶s̶i̶o̶n̶ ̶i̶n̶t̶e̶r̶d̶i̶s̶c̶i̶p̶l̶i̶n̶a̶i̶r̶e̶ 5̶0̶ ̶m̶a̶i̶s̶ ̶i̶l̶ ̶y̶ ̶a̶ ̶u̶n̶ ̶r̶i̶s̶q̶u̶e̶ ̶q̶u̶e̶ ̶ç̶a̶ ̶s̶o̶i̶t̶ ̶t̶r̶o̶p̶ ̶p̶e̶u̶ ̶d̶a̶n̶s̶ ̶l̶e̶s̶ ̶c̶l̶o̶u̶s̶ ̶e̶t̶ ̶q̶u̶e̶ ̶l̶a̶ ̶c̶a̶r̶r̶i̶è̶r̶e̶ ̶d̶e̶s̶ « ̶s̶t̶a̶r̶s̶ »̶ ̶r̶e̶s̶t̶e̶ ̶e̶n̶s̶u̶i̶t̶e̶ ̶ »̶c̶o̶i̶n̶c̶é̶e̶ »̶ ̶d̶a̶n̶s̶ ̶c̶e̶t̶t̶e̶ ̶c̶o̶m̶m̶i̶s̶s̶i̶o̶n̶.̶ (modifié suite à la mise à jour)

Le deuxième tour de passe-passe possible serait un redispatching des postes de la commission 50 vers d’autres sections disciplinaires du CNRS. Celui-ci serait possible si les postes de la commission 50 sont déclarés infructueux, c’est à dire qu’aucun candidat ne correspond aux attentes.

Un montage suffisant ?

Reste à savoir si la solution choisie sera dans les clous de la justice administrative française et si le salaire de directeur·trice de recherche au CNRS sera un appeau suffisant pour attirer les stars qu’Antoine Petit veut absolument faire venir au CNRS.

Une autre question est de savoir comment sera perçu ce montage par les chercheur·euse·s français·e·s qui ne sont pas en poste et qui postulent au CNRS alors qu’il n’y a que peu de postes à la clé pour eux avec des cvs qui ne déméritent pas.

Contacté dans la journée, le CNRS n’a pas encore répondu à mes questions sur le sujet. L’article sera mis à jour le cas échéant.

Mise à jour du 14 décembre 11:53 :

Un commentaire ci-dessous me fait remarquer que « L’affectation dans la CID50 « Gestion de la Recherche » est impossible car c’est la seule section/commission pour laquelle le recrutement extérieur est statutairement interdit. ». Effectivement, « Seuls les CR CNRS peuvent se porter candidat au concours DR2 de la CID50 » explique le site de la Commission interdisciplinaire 50 qui interprète ici l’article 25 du Décret n°82-993 du 24 novembre 1982 portant organisation et fonctionnement du Centre national de la recherche scientifique.

Seul le deuxième tour de passe-passe, le redispatching des postes après qu’ils aient été déclarés infructueux, est donc possible pour la direction.


Photo d’illustration : « Stars » par natlas, en licence Creative Commons by-nc-nd

7 Commentaires

  1. Moi Moi 14 décembre 2019

    L’affection dans la CID50 « Gestion de la Recherche » est impossible car c’est la seule section/commission pour laquelle le recrutement extérieur est statutairement interdit.

    • Martin Clavey Martin Clavey Auteur de l’article | 14 décembre 2019

      Bonjour et merci pour ce commentaire. Est-il possible de savoir dans quel texte et à quel endroit cette interdiction est stipulée ? Merci

  2. Un autre moi Un autre moi 14 décembre 2019

    Le même texte dit d’ailleurs que cette pratique d’affecter des postes de DR non pourvus en 50 à d’autres sections n’est pas nouvelle, même si jusque là cela concernait très peu de postes :

    « Remarque sur les postes « non pourvus »

    Dans l’éventualité où des postes ne sont pas pourvus à l’issue de la phase d’admission, la direction du CNRS a la possibilité de réaffecter ces postes sur d’autres concours. Ceci a été le cas en 2017, 2018 et 2019 où un des postes ouverts au concours 50/01 a été réaffecté en faveur de candidats classés sur d’autres concours de directeurs de recherche. En guise d’exemple, en 2019 deux postes n’avaient pas été pourvus (en CID50 et en CID52) et ont permis d’allonger la liste des candidats admis sur les concours de la section 31 et de la CID51. »

  3. Sébastien Sébastien 14 décembre 2019

    Le CNRS et autres Universités crache au visage de jeunes docteurs et doctoresses talentueux, lesquels s’exilent et trouvent le bonheur ailleurs, puis il magouille impunément pour recruter des ‘stars’… Je suis bien content d’avoir fait carrière à l’étranger, ayant été rejeté de mon pays. Les laboratoires et industries suisses savent pour quoi je suis utile et me le rendent bien. Ce n’est pas grave si je ne suis pas la ‘starlette’ du CNRS, la recherche française est entre de bonnes mains apparemment !

  4. Jean Jean 29 octobre 2020

    Merci pour infos. Il vaudra la peine de proposer/commencer une méthode de recrutement/sélection aléatoire parmis les candidats ayant le même diplôme sinon l’appréciation humaine est presque toujours penchante. A mon avis, beaucoup de choses sont biaisées ici-bas. Moi-même et toi-même, je pense que nous ne pourrions pas faire les choses à merveille. L’équité est presque idéale. Ma solution serait de ne jamais blamer ces décideurs quelques soient leur magouilles car il revient à chacun de trouver la voie de sortie et pacifiquement, pas brutalement car nous même nous savons que ce n’est pas facile: même un parent aura son enfant le plus préféré s’il/elle en a beaucoup!!!!! C’est simplement mon point de vue.

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