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[covid19] Précipité de sciences… le temps des rétractations (Lancet, New England Journal of Medicine…) ou pas (Raoult)

Mis à jour le 30 octobre 2020

Hier, les revues Lancet et New England Journal of Medicine ont rétracté deux articles, tous deux signés, entre autres, par le PDG de l’entreprise Surgisphere, Sapan Desai. Les deux articles se basent sur des données détenues par cette entreprise mais de nombreux chercheur·euse·s ont émis des doutes sur ces données et Surgisphere ne les a pas rendues publiques.

Pourtant, ce n’est pas faute, pour Sapan Desai, de ne pas connaître le problème de la manipulation des données scientifiques. Le chercheur a lui même publié un article en 2011 dont le titre est  » Combating Fraud in Medical Research: Research Validation Standards Utilized by the Journal of Surgical Radiology » où il écrit :

« La cause la plus sérieuse de fraude dans la publication médicale est la manipulation de données que les auteurs utilisent pour appuyer des conclusions lourdes de conséquences »

Après la folie des prépublications scientifiques, les annonces tonitruantes des chercheur·euse·s ayant trouvé en l'(hydroxy)chloroquine le remède miracle contre la Covid19 et les annonces d’articles réfutant l’efficacité de cette molécule, le temps des rétractations commence,

La rétractation de l’article publié par le Lancet fait plus de bruit médiatiquement car il avait été utilisé par beaucoup et, notamment par le ministre de la santé Olivier Véran, pour espérer clore le dossier chloroquine / hydroxychloroquine.

Plus rapide, tout aussi contesté, mais pas rétracté

Tout le monde le sait, ce dossier chloroquine / hydroxychloroquine a été ouvert par la très importante communication de Didier Raoult sur le sujet. À ce jour, et alors que ses recherches souffrent des mêmes critiques sur la non mise à disposition des données d’études, les revues qui ont publié les articles de l’équipe de Didier Raoult n’ont pas décidé de les rétracter.

Pourtant, l’un de ces articles a aussi été critiqué, sur d’autres aspects que la publication des données, par la société savante International Society of Antimicrobial Chemotherapy (ISAC) qui publie la revue. Celle-ci a clairement déclaré :

Le conseil scientifique de l’ISAC estime que l’article ne répond pas aux normes attendues de [ISAC], en particulier en ce qui concerne le manque de bonnes explications des critères d’inclusion et de tri des patients pour assurer la sécurité des patients.

D’autres critiques ont été faites aux travaux de Didier Raoult et de son équipe, sur le site de critiques d’études scientifiques Pubpeer de plus en plus utilisé par les chercheurs, par exemple. Mais ni les critiques de l’ISAC ni celles d’autres chercheurs n’ont reçu de réponses sérieuses des auteurs. Doit-on conclure de ces non-réponses qu’une rétractation est nécessaire ?

La recherche n’est pas faite par des chercheurs qui se lèvent un matin et disent « Chloroquine ! » comme d’autres auraient dit « Eurêka ! ». Elle se fait par l’interaction et la discussion entre chercheurs. Si un chercheur ne daigne pas répondre à ses pairs, celui-ci ne fait pas de la recherche.

Une chose étonnante concernant les articles de Didier Raoult sur l’hydroxychloroquine, c’est qu’ils ont été publiés dans des revues dont un des co-auteurs de l’article fait partie.

Par exemple, pour cet article publié dans la revue International Journal of Antimicrobial Agents, Jean-Marc Rolin est à la fois co-auteur et éditeur en chef de la revue.

On attend donc avec impatience les données brutes des études de l’équipe de Didier Raoult et leurs réponses aux critiques de leurs pairs pour se faire un avis sur cette molécule. D’ici là, on imagine mal qu’on n’applique pas le principe de précaution à un médicament qui n’a pas fait preuve de son efficacité.

Difficultés pour la science ouverte… comme pour la science fermée

La profusion de prépublication scientifique soulève des questions sur l’avenir de la science ouverte dont la prépublication fait partie.

Effectivement, ce soudain intérêt de la population pour un sujet scientifique met en branle une façon de faire de la recherche qui se base sur l’accès pour toutes et tous plutôt que l’accès très restreint aux seuls chercheurs dont les institutions ont des moyens suffisants. Chacun se perd un peu dans la qualité et l’intérêt variables de la recherche produite en temps de pandémie.

Mais les articles publiés dans des revues scientifiques dont l’accès aux données est restreint rencontrent, eux aussi, des problèmes. Ils sont sujets à caution et ne permettent pas de développer une recherche sur laquelle pourrait reposer la confiance du grand public. Les articles récemment rétractés utilisant les données non publiées de Surgisphere l’ont bien démontré.

La recherche a surtout besoin de temps pour trier et établir un consensus alors que nous aimerions avoir une réponse le plus vite possible, pour se rassurer et se bâtir une vie plus sereine.

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