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À l’Assemblée Nationale, Frédérique Vidal confirme vouloir demander une enquête sur l’ « islamogauchisme » à l’université

Mis à jour le 17 février 2021

La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a confirmé vouloir demander une enquête sur l’ « islamogauchisme » à l’université, cet après-midi à l’Assemblée Nationale suite à la publication ici des propos qu’elle a tenu sur Cnews dimanche dernier.

La députée France insoumise Bénédicte Taurine, choquée par les propos de la ministre inventant un « islamogauchisme à l’université », a demandé dans l’hémicycle à la ministre lors des questions d’actualité :

« À quoi faites-vous référence ? Vous n’avez donc rien de mieux à faire en ces temps que de lancer une police de la pensée ? N’avez-vous rien d’autres à offrir à l’ensemble de nos chercheurs mobilisés avec si peu de moyens ?   » et a ajouté « Ce qui gangrène l’université, c’est vous. »

En réponse, si Frédérique Vidal a essayé de minimiser ses propos les englobant dans un contexte plus général, elle a confirmé la demande de « ce qu’on appelle, en sociologie, une enquête » :

« Oui, c’est le CNRS qui actuellement, en la personne de son président, dirige une alliance des sciences humaines et sociales, Athéna, et oui je vais demander à ce que l’on fasse un bilan des recherches qui se déroulent dans notre pays que ce soit les recherches sur le postcolonialisme… ». (la ministre n’a pas continué son énumération)

Frédérique Vidal a l’air, ici, de sauter une étape de nomination car ce n’est pas (encore) le PDG du CNRS, Antoine Petit, qui dirige l’ Alliance Athéna. Celle-ci est dirigée par Jean-François Balaudé. Si la passation est imminente, elle n’est pas encore actée. Antoine Petit est, pour l’instant, vice-président de l’Alliance. Celle-ci regroupe le CNRS, la conférence des présidents d’université, la conférence des grandes écoles, l’Ined, l’EHESS, le CEA, l’IRD, l’Inrae et l’Inserm.

Mais, peut-être plus important que des questions de personnes, la question de la légitimité de cette Alliance pour enquêter sur les pratiques d’enseignant·e·s-chercheur·euse·s de l’université se pose. Cette mission ne fait pas partie de celles que l’Alliance Athena affiche sur son site. Les alliances de ce type ne sont pas chargées de faire des enquêtes mais des études sur les sujets qui leurs sont confiés.

La demande par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche d’une enquête pour « distinguer de ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève justement du militantisme et de l’opinion », comme elle l’a déclaré dimanche sur Cnews, semble en complète contradiction avec la liberté académique affirmée dans le code de l’éducation : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique[…] ».

Interrogé par le Monde, Jean-François Balaudé déclare « En tant que président de l’alliance Athéna, je n’ai été saisi d’aucune demande. Ce n’est d’ailleurs pas sa vocation de mener des enquêtes à la façon d’une inspection générale. » (mise à jour 17 février 8:30)

La ministre finit sa réponse à la députée en ajoutant un peu plus de confusion à tout ça :

« Moi, j’ai été extrêmement choquée de voir au Capitole apparaître un drapeau confédéré et je pense qu’il est essentiel que les sciences humaines et sociales se penchent sur ces questions qui sont encore aujourd’hui d’actualité. »

On pourra faire remarquer à Frédérique Vidal que ce ne sont pas des « islamogauchistes » qui ont envahi le Capitole mais des néonazis supporters de Donald Trump et qu’à pointer les études raciales comme l’un des problèmes principaux à l’université, elle se range à leurs côtés.

La Conférence des présidents d’université réagit

Suite aux propos de la Ministre dimanche dernier, la Conférence des présidents d’université « fait part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’« islamo-gauchisme » à l’université » dans un communiqué publié ce mardi soir :

« La CPU appelle à élever le débat. Si le gouvernement a besoin d’analyses, de contradictions, de discours scientifiques étayés pour l’aider à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce, les universités se tiennent à sa disposition. Le débat politique n’est par principe pas un débat scientifique : il ne doit pas pour autant conduire à raconter n’importe quoi »

 

2 Commentaires

  1. Ingolf Diener Ingolf Diener 25 février 2021

    Qui a bien pu inventer ce terme « islamogauchisme » ? Cela sent déjà la propaganda électoraliste. Frédérique Vidal doit administrer et gérer l’université, c’est tout. Et c’est beaucoup. Instaurer une police intellectuelle dans l’université, c’est incompatible avec l’essence de l’université. Avec de telles conceptions, Frédérique n’est pas à sa place comme ministre de l’Université. Elle doit démissionner de ce ministère.

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