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Malgré la réponse négative de l’Alliance Athéna, Frédérique Vidal persiste à réclamer une enquête sur l’ « islamogauchisme » à l’Université

Mis à jour le 21 février 2021

Mise à jour le dimanche 21 février :

Dans une interview au Journal du dimanche, Frédérique Vidal persiste à demander une enquête sur l’ « Islamogauchisme » à l’université. Mais la ministre n’évoque plus l’Alliance Athéna pour la mener, celle ci ayant signifier que ça ne rentrait pas dans ses missions.

La ministre semble vouloir confier cette enquête à la Conférence des présidents d’université qui s’est pourtant montrée très critique sur les propos de Frédérique Vidal, faisant « part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’« islamo-gauchisme » à l’université » et parlant de « représentations caricaturales et des arguties de café du commerce ».

Frédérique Vidal a l’air de vouloir minimiser ses propos parlant de 12 secondes dans une interview de 22 minutes. L’extrait publié ici de l’interview sur le thème de l’ islamogauchisme ne fait pourtant pas 12 secondes mais 4 minutes et 30 secondes et Sound of Science n’a pas eu recours à la technique du deepfake pour ajouter les 4 minutes et 18 secondes supplémentaires.

Une pétition liée à une tribune dans le Monde (en libre accès ici) a été publiée réunissant plus de 600 universitaires, chercheur·euse·s et personnels de la recherche demandant la démission de la ministre suite à cette demande d’enquête.

(Mise à jour du 18 février avec les réactions de l’Alliance Athéna, Sud-Education, Sud-Recherche, et de la CGT)

Les réactions sont vives après la demande d’enquête sur l’ « islamogauchisme » par la ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Alors que les différents représentant·e·s universitaires sont remontées contre un « chasse aux sorcières » et que le sénateur PC Pierre Ouzoulias estime que cette demande est anticonstitutionnelle, la direction du CNRS essaye de ménager la chèvre et le choux en dénonçant l’utilisation du terme « islamogauchisme » tout en acceptant l’enquête.

Sans évoquer le fond du sujet, le fantasmatique « islamogauchisme », L’alliance Athéna a publié, ce jeudi 18 février, une réponse sobre mais négative et ferme à la demande d’enquête évoquée par la ministre de la recherche :

A cet égard, il n’est pas du ressort de l’alliance Athéna de conduire des études qui ne reposeraient pas sur le respect des règles fondatrices de la pratique scientifique, qui conduiraient à remettre en question la pertinence ou la légitimité de certains champs de recherche, ou à mettre en doute l’intégrité scientifique de certains collègues.

Des représentant·e·s universitaires remonté·e·s

La CP-CNU s’énerve : « Non à la chasse aux sorcières islamo-gauchistes ! » et rajoute « On ne peut à la fois défendre les libertés académiques et ordonner une commission d’enquête jugeant si les libertés utilisées sont les bonnes ou non ! »

De son côté, la CPU, dans un communiqué publié hier soir, a fait part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’« islamo-gauchisme » à l’université. » La CPU précise « « L’islamo-gauchisme » n’est pas un concept. C’est une pseudo-notion dont on chercherait en vain un commencement de définition scientifique, et qu’il conviendrait de laisser, sinon aux animateurs de Cnews, plus largement, à l’extrême droite qui l’a popularisé. » et conclue :

Si le gouvernement a besoin d’analyses, de contradictions, de discours scientifiques étayés pour l’aider à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce, les universités se tiennent à sa disposition. Le débat politique n’est par principe pas un débat scientifique : il ne doit pas pour autant conduire à raconter n’importe quoi.

Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU dénoncent « cette nouvelle atteinte aux libertés académiques » :

« Depuis bientôt six mois, les universités en France vivent sous la menace de mesures contre un prétendu « islamo-gauchisme » qui les aurait « gangrénées ». L’ « islamo-gauchisme » n’existe ni dans les universités, ni au CNRS, ni ailleurs dans le monde scientifique. En revanche, la menace de censure est désormais réelle. L’« islamo-gauchisme » n’est pas un concept scientifique : il ne correspond à aucun travail de recherche ou d’enseignement. »

« Plus que jamais un ministre de l’ESRI se doit de défendre les libertés académiques » affirme, quant à lui le SGEN-CFDT :

Le Sgen-CFDT s’inquiète vivement de la campagne d’opinion menée depuis plusieurs mois contre l’université française, accusée d’être gangrenée par l « islamogauchisme ». […] Pour le Sgen-CFDT, un pays démocratique se doit de défendre une science libre. Dans ce contexte l’annonce par la ministre d’une enquête qui serait menée par le centre national de la recherche scientifique (CNRS) est incompréhensible tant elle tend à légitimer ces attaques.

Pour Sud Education et Sud Recherche, Frédérique Vidal « porte atteinte à la liberté de recherche des universitaires : un tel obscurantisme est inadmissible » :

En demandant au CNRS (et donc ses agent-e-s) à travers l’Alliance Athéna de mener des enquêtes sur des « courants de recherche », la ministre piétine les fondements même de la recherche publique. Mme Vidal veut-elle instituer une police de la pensée ? […] la ministre Vidal doit partirpart de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’« islamo-gauchisme » à l’université. !

Le SNTRS-CGT a aussi réagi au propos de la ministre de la Recherche,en posant les questions suivantes :

Madame Vidal n’a-t-elle pas d’autres priorités actuellement que de désigner des ennemis intérieurs parmi les personnels de son ministère ? Quel bilan de son action face à la détresse étudiante ? Quel bilan de la mise en place de la loi de programmation de la recherche (LPR), votée à la faveur de la pandémie malgré l’opposition de la majorité des personnels ? […] Bien qu’elle s’en défende, il s’agit là d’une menace ouverte contre la liberté académique et la liberté d’opinion, qui est précisément un fondement de la recherche et de la laïcité.

Le sénateur Pierre Ouzoulias effondré

Pierre Ouzoulias, sénateur PC qui s’est beaucoup impliqué dans les discussions sur la Loi Recherche, se dit lui « effondré » :

« C’est triste pour la science française qu’une ministre valide les thèses de l’extrême-droite. »

Et il ajoute un commentaire d’ordre juridique sur cette demande d’enquête :

« Cette enquête est anticonstitutionnelle et elle le sait. Un professeur d’université a ses libertés académiques qui sont défendues par la constitution. Donc on ne peut pas demander à un autre organisme comme le CNRS de venir enquêter sur ses travaux universitaires. »

Le sénateur conclut :

« La ministre est incapable de répondre au malaise étudiant donc elle ouvre un contre-feu avec les allumettes du Front National […] Je l’inciterais à partir, je crois qu’elle n’a plus rien à faire à la tête du ministère de la connaissance »

Une direction du CNRS qui ménage la chèvre et le choux

De son côté, la direction du CNRS a l’air de ménager la chèvre et le choux. Si son communiqué de presse est titré « L’« islamogauchisme » n’est pas une réalité scientifique » et qu’il « condamne avec fermeté » :

celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques

La fin du communiqué laisse entendre qu’il accepte malgré tout l’enquête :

C’est dans cet esprit que le CNRS pourra participer à la production de l’étude souhaitée par la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés. Ce travail s’inscrirait dans la continuité de travaux d’expertise déjà menés sur le modèle du rapport « Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent » réalisé en 2016 par l’alliance Athena, qui regroupe l’ensemble des forces académiques en sciences humaines et sociales dans les universités, les écoles et les organismes de recherche, ou du rapport « Les sciences humaines et sociales face à la première vague de la pandémie de Covid-19 – Enjeux et formes de la recherche », réalisé par le CNRS en 2020.


Illustration : photomontage utilisant la photo « La Sorbonne » de Valentin Ottone (licence Creative Commons by), le portrait de Mao et le portrait de Khomeini

Un commentaire

Répondre à Khrys’presso du lundi 22 février 2021 – Framablog Annuler la réponse

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